Le rôle des relations presse dans le secteur du jeu vidéo face à l’avènement des influenceurs

En 2022 les éditeurs de jeux vidéo sont confrontés à de vrais problématiques pour promouvoir leurs jeux : la presse spécialisée est-elle la plus influente ? Les médias généralistes s’intéressent-ils de manière pertinente aux jeux vidéo, ou ne les voient-ils encore que comme un loisir puéril ? Ne faut-il cibler que les créateurs et créatrices de contenu sur Twitch et YouTube ? 

 

Commençons par la presse spécialisée, qui compte encore une poignée de magazines : Canard PC, JV Culture Jeux Vidéo, Jeux Vidéo Magazine ou encore Total Jeux Vidéo. Mais les médias spécialisés, ce sont aussi des sites installés et réputés : Jeuxvideo.com, Gamekult, Gameblog ou IGN France pour en citer quelques-uns. Certains sont “Metacritric” : les notes qu’ils attribuent aux jeux sont répertoriées, agrégées à l’échelle mondiale, et donc particulièrement scrutées et attendues des éditeurs. 

De nombreux sites tenus par des passionné.e.s, comme Actugaming ou Xboxygen, existent également et leur audience rivalise parfois avec les médias spécialisés plus établis.

Tous sont incontournables, et pour plusieurs raisons : pour les services commerciaux,  ce sont des avis sur lesquels s’appuyer pour convaincre les enseignes de référencer leurs jeux ; pour les joueur.euse.s, ce sont autant d’opportunités de savoir pour quel jeu dépenser leur argent ; enfin, certains journalistes de la presse grand public s’y fient pour se lancer dans l’aventure et partager leur avis à leur tour. Enfin, n’oublions pas les blogs. À mi-chemin entre la presse et l’influence, ils rassemblent parfois un lectorat important sur lequel ils sont prescripteurs. 

 

Depuis quelques années maintenant, le jeu vidéo continue son chemin, et est en passe d’être accepté comme un loisir culturel à part entière. Les grands médias reconnaissent son caractère propre et font appel à des journalistes qualifié.e.s pour traiter de son actualité. Au JT de TF1, dans celui d’M6, chez les quotidiens nationaux comme Le Monde, Le Parisien ou Libération, avec la presse régionale de Ouest France ou les DNA, mais aussi via la presse d’actualité en continu (notamment à travers leurs sites internet), de nombreux médias se sont dotés d’un.e ou plusieurs journalistes en mesure de couvrir l’actualité des titres du moment et de reprendre les informations liées à l’esport, aux actualités business ou aux grands rendez-vous du secteur comme la Paris Games Week en France ou l’E3 à Los Angeles. 

 

Cependant, après quelques années de belle couverture du jeu vidéo dans les médias grand public, de nouvelles mutations du paysage médiatique changent la donne.

Si le jeu vidéo reste une industrie culturelle plus reconnue et respectée qu’en ses jeunes années, il paraît parfois plus délicat d’en parler. Quelques prêts-à-penser semblent se dresser : 

  • Face aux nouvelles formes d’information, presses écrites et audiovisuelles ont remanié leurs rédactions, parfois au détriment de sujets perçus comme “mineurs”, à l’image du jeu vidéo. Le nombre de chroniques dédiées et de journalistes attaché.e.s au sujet est alors limité.
  • L’audience des médias de référence semble baisser.
  • Le profil de l’audience de ces mêmes médias change, à mesure que les consommateurs peinent à se renouveler. 

 

Ces mutations, qu’elles soient supposées ou réelles, peuvent conduire à se poser des questions. 

 

Pour commencer, et malgré les idées reçues, tout n’est pas noir pour les médias généralistes. De nouveaux profils ayant grandi avec cette culture du jeu vidéo arrivent dans les rédactions et souhaitent lui accorder une place au moins aussi importante qu’au cinéma, aux séries ou à la littérature. Chez France Inter, France Info ou encore Europe 1, certain.e.s chroniqueur.euse.s tout récemment arrivé.e.s posent un œil éclairé sur les évènements et les dernières évolutions du secteur. 

 

Concernant l’audience, nous ne sommes pas sans savoir que la presse imprimée subit de plein fouet les augmentations du cours du papier. Pourtant, malgré la pression sur les tirages, le tournant numérique semble s’opérer de la meilleure des manières pour certains grands noms. La presse quotidienne nationale est celle qui s’en tire le mieux, et les transitions numériques réussies de wagons de tête comme Libération – qui voit sa diffusion augmenter de 18,5% en un an – contribuent à ce succès. En 2021, Le Monde a même battu un record, passant la barre des 500,000 abonnés pour la première fois de son histoire, grâce à l’augmentation spectaculaire de ses abonnements numériques

 

Enfin, pour analyser le profil des lecteur.rice.s, il faut prendre un peu de recul. S’il est vrai que selon les données du S.E.L.L., 96% des 10-14 ans jouent au jeu vidéo, il serait trompeur de s’arrêter là pour penser que la presse généraliste ne s’adresse pas au cœur de cible. En effet, toujours selon le S.E.L.L., l’âge moyen du joueur français est passé de 21 ans en 1999, à 38 ans en 2013, et stagne dans ces environs depuis quelques années. Parmi ces trentenaires, au moins 62% lisent la presse plusieurs fois par mois selon les données Statista de 2017

 

De ces quelques analyses, on peut observer que la presse permet de toucher des cibles souhaitées par les éditeurs. Les FRDA-50 (ndlr. Femmes Responsables des Achats de moins de 50 ans, nouvelle formule pour la ménagère, qui s’intègre sûrement mieux aux discours officiels), ne sont finalement pas les seules qu’elle peut espérer convaincre. 

 

Mais ces mutations ne sont pas qu’internes à la presse, et celle-ci doit faire face à de nouveaux concurrents, externes, notamment via les influenceur.euse.s. Chez les plus jeunes, n’y a-t-il désormais de confiance qu’envers les créateur.rice.s de contenus ? 

 

En réalité, il est intéressant de voir que cette tranche d’âge lit la presse de manière comparable. Simplement, se vérifie une moins grande assiduité : elle ne lit pas la presse aussi quotidiennement que ses aîné.e.s

 

Cependant, il est vrai que cette génération consulte de plus en plus les réseaux sociaux et par extension les influenceur.euse.s qui s’y trouvent, que ce soit sur YouTube, Twitter, Instagram, TikTok ou Twitch. Sur cette dernière, presque trois quarts des utilisateur.rice.s ont entre 16 et 34 ans. Cette nouvelle plateforme, conçue pour le jeu vidéo, a su trouver son public et s’impose désormais comme un levier majeur pour les éditeurs. 

 

Mais là aussi, alors que tout semble fonctionner mieux que jamais pour la plateforme, tout n’est pas si rose. Le public commence à faire connaître sa méfiance face aux influenceur.euse.s les plus important.e.s, cumulant les sponsors et n’ayant que des propos élogieux pour les jeux qui viennent de paraître. La vision critique semble réduite, et les spectateur.rice.s le font remarquer. Selon Forbes, 62% trouvent contraire à l’éthique que les influenceur.euse.s s’associent à des marques et la confiance s’effrite progressivement.  

En réalité, on voit donc que les deux se complètent et ne doivent pas être vus comme des adversaires dans une stratégie de lancement. Un équilibre est à trouver, à ajuster selon les audiences visées, afin de gagner à la fois en légitimité et en visibilité. 

Co-écrit par Mathilde Daures, Sophie d’Almeras et Julien Gouffier 

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